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LA MUTATION DU TRAVAIL par Marc-Alain Descamps


MARC-ALAIN DESCAMPS :

Marc-Alain Descamps a fait un énorme travail sur l'éthique.

il est très interessant de connaitre sa vision sur le monde du travail

LA MUTATION DU TRAVAIL

article provenant de ce site internet : http://www.europsy.org/marc-alain/mutrav.html En cette fin du XXème siècle nous nous trouvons devant une crise du travail. Pour certains il ne s'agit que d'une situation conjoncturelle et transitoire due à la crise que nous traversons depuis 1974. Nous voudrions montrer ici qu'il s'agit d'un bouleversement beaucoup plus profond. Il n'est pas question que de la seule crise économique. Elle pourrait assez facilement se régler comme on l'a fait pour celle de 1930. Mais cette crise économique a débuté avec la guerre du pétrole et derrière se profile la redéfinition du prix des matières premières. Ces prix sont encore des reliquats de la situation coloniale et leur refixation résultera du nouvel équilibre entre les pays industrialisés et ceux du Tiers-Monde et du quart-Monde. Il s'agit donc en réalité du nouvel ordre mondial. On le voit bien avec un second problème qui est l'harmonisation des législations sociales. Les pays défavorisés n'ont aucune protection sociale et ce qui faisait leur faiblesse fait soudain leur force, sous la loi d'airain du marché. Ils sont donc capables de produire les objets manufacturés, ou les services, à un prix nettement inférieur et redoutablement concurrentiel. Ce qui développe le chômage dans les pays riches. Le désordre de l'économie vient de ce qu'il ne suffit pas de produire, il faut surtout vendre. La loi du marché fait que les biens de production peuvent avoir une valeur négative. Devant une surproduction, il faut payer pour pouvoir s'en débarrasser. De plus, par derrière, se profile la transformation du travail. On a longtemps pensé que la mécanisation et la robotisation ne pouvaient pas réduire le volume des emplois, grâce à l'expansion et la croissance continues. Mais l'informatique a tout changé. L'on est capable de livrer maintenant des usines entièrement robotisées, clés en main, qui produisent en ne générant que très peu d'emplois. Nous nous trouvons maintenant devant une troisième révolution du travail, après celle de l'agriculture, puis de l'industrialisation. La principale production se trouve dans la science, les techniques, l'intellectuel, les brevets industriels générant des royalties, les services... L'usine n'est plus l'unique source de production, elle se fait tout aussi bien à l'hôpital, à l'école, dans les transports, les télécommunications et les salles de concert. La nouvelle civilisation post-industrielle est déjà en marche. C'est donc la conception même du travail qui est à redéfinir. Il n'est certainement suffisant en ce cas de parler de temps partiel ou de partage du travail. C'est la notion même de travail qui est le principal enjeu du XXIème siècle. Quel va être le nouveau travail et comment vont s'organiser les entreprises de l'an 2.000 ? Heureusement, l'on voit poindre dès maintenant des mutants et de nouvelles orientations sont possibles. L'entreprise d'aujourd'hui s'ouvre déjà à de nouvelles valeurs. Elle est un corps vivant à la recherche d'un sens et n'est plus aussi sûre que le travail et l'argent soient ses fins dernières. Dans ce changement accéléré se produisent des mutations, et c'est parmi elles qu'il convient de discerner ce que vont être les nouvelles valeurs des entreprises de l'an 2.000. Le Transpersonnel nous parait être déjà un axe particulièrement novateur et une source de nouvelles innovations. LE TRANSPERSONNEL Le Transpersonnel est fondé sur tout ce qui dépasse la personne avec la réalisation des valeurs, les états non-ordinaires de conscience, le holisme ou prise en compte de la Totalité... Les recherches actuelles sur la conscience, ses niveaux et ses états, commencent à être entendues dans le monde du travail. Une redéfinition de la notion de capital ou de richesse de l'entreprise s'est opérée. On ne prenait en compte autrefois que tout ce qui était matériel (les usines avec les terrains, les bâtiments, les machines, les moyens de transports, le siège social...), puis l'on est passé à l'argent (capital, emprunts, crédits bancaires, investissements, placements spéculatifs...) pour aboutir finalement aux hommes. Le progrès de la science a fait valoriser la recherche, les brevets et les licences ; finalement l'accélération de l'innovation a révélé que l'avenir d'une entreprise se situait dans le capital créatif de son personnel. Et ceci a engendré un bouleversement du management. L'entreprise taylorienne avec, au sommet, le petit nombre de ceux qui pensent pour tous les autres, au milieu l'encadrement et les surveillants, puis tout en bas la masse des exécutants qui réalisent passivement sans savoir ce qu'ils font, n'est plus viable. L'organisation scientifique du travail a confondu la rationalisation et l'intensification, la parcellisation et l'efficacité, la menace et la motivation, la vitesse et l'efficience, l'information et la communication. Il a fallu renverser la pyramide (Carlzon 1986). L'expérience d'Elton Mayo a révélé l'importance du facteur de groupe autant dans la motivation et le rendement que dans l'établissement de normes implicites. Elle a été à l'origine de l'important mouvement de psychologie des relations humaines. Il s'est enrichi de toutes les théories systémiques à partir de Bateson et de l'Ecole de Palo Alto. Ainsi, ont pu être mis en évidence les dysfonctionnement dans l'entreprise et l'existence de pathologies d'entreprise. Elles apparaissent lorsque les différents besoins humains ne sont pris en compte et que le système ne peut plus communiquer, préfigurant le futur blocage et les explosions prévisibles. L'initiateur de la psychologie transpersonnelle dans le monde du travail a été Abraham Maslow (1908-1970). Il a analysé les différents besoins de l'être humain et a hiérarchisé les motivations au travail. D'abord, il faut satisfaire les besoins physiologiques (nourriture, sommeil, logement), puis l'on s'occupe de ceux de sécurité (accidents du travail, assurances pour les maladies et le chômage, caisses de retraite...). Viennent après les besoins sociaux d'affiliation (associations, syndicats et clubs) et ceux d'estime des autres et de soi (besoin d'un travail enrichissant où l'on soit reconnu pour son efficacité). Et l'on débouche sur les besoins d'épanouissement personnel qui n'ont été revendiqués que récemment : les travailleurs demandent maintenant de pouvoir se réaliser dans le cadre de l'entreprise selon toutes leurs dimensions (culturelle, sportive, artistique et même spirituelle...). Cette demande de prise en compte de la dimension spirituelle est la plus récente et la plus novatrice. Maslow a ajouté, à la fin de sa vie, une dernière catégorie des besoins : les métamotivations ou Besoins-Être (Being-needs ), le besoin d'une vie satisfaisante qui ait du sens (value-life ). Il s'agit d'un dépassement de l'homme par lui-même vers une transcendance, ce qui est la définition du dévouement aux valeurs, à cette occasion il parle de transpersonnel avec les expériences de pointe (peak-experience ). La reconnaissance du besoin transpersonnel dans l'homme et dans l'entreprise est à la source d'une complète remise en cause dans bien des domaines : principes et paradigmes, solidarité, formation, éthique... LES PRINCIPES DE L'ENTREPRISE Les principes de l'entreprise ordinaire sont issus du paradigme économique fondé sur l'homo economicus selon lequel l'homme est mû par le seul intérêt économique, l'appât du gain. On pourrait tout obtenir avec de l'argent, il suffit d'y mettre le prix. Or justement l'existence des valeurs et d'humains mûs par un idéal montre que c'est faux. En lui obéissant, les entreprises ont voulu ignorer l'éthique et établit le principe : "les affaires sont les affaires, Business is business ". De là découlent les principes de pouvoir non-partagé, d'autorité, de hiérarchie, de cloisonnement, de rétention d'information et la non-communication. Or la communication est devenu un besoin vital. On a commencé par la communication externe. Le besoin de faire connaître les produits a engendré la publicité avec tous ses excès : le refus de la sincérité et de l'honnêteté favorise la publicité mensongère et la tromperie de la clientèle. Puis la réclame a découvert la nécessité de s'adjoindre les relations publiques et les grandes causes d'intérêt national. Avec la communication de masse et les mass-media on est passé de l'image de produit à celle de gamme, de marque et à l'image d'entreprise. L'étude des représentations sociales montre qu'on doit tenir compte commercialement de l'image globale d'une entreprise. Puis l'on est passé à la communication interne, car l'image extérieure d'une entreprise dépend de ce que diffuse l'ensemble du personnel. Celui-ci doit être informé pour pouvoir participer. Il faut donc savoir ce qu'il pense et lui reconnaître un droit d'expression. On ne peut plus en rester à la seule information descendante par circulaires et notes de service. Les Cercles de qualité, puis les Cercles de progrès, ont montré la nécessité d'une communication tous azimuts (ascendante, latérale et croisée). Dans un autre domaine la généralisation de la notion de marché remet en cause le principe de l'acharnement économique. La productivité à outrance et la compétitivité sont mis en échec par la saturation du marché, la chute des cours et la non-valeur finale. Les produits peuvent avoir finalement une valeur négative, lorsqu'on ne peut plus les vendre et qu'il faut payer pour pouvoir s'en débarrasser, comme dans les surproductions alimentaires ou des armements militaires. Enfin on est en droit de se demander si la présence des femmes, de plus en plus nombreuses dans les entreprises et accédant progressivement à des postes de direction, ne va pas contribuer à faire prévaloir une nouvelle vision féminine des valeurs. DE LA SOLIDARITE A LA RESPONSABILITE Le travail d'équipe est maintenant fondamental dans l'entreprise : on découvre avec la complexité des tâches et de produits que l'on ne peut plus travailler seul. Une équipe est d'autant plus efficace qu'elle comprend des compétences très diverses avec des personnes de formations très différentes. Tout résultat étant celui d'une équipe, nul n'est plus en droit de s'en attribuer le mérite à lui tout seul. D'autant plus qu'une équipe n'est pas isolée et qu'il faut aussi tenir compte des autres services : production, marketing, après-vente, financier, comptabilité, informatique, approvisionnement... La création d'un nouveau produit, par exemple, est un travail qui engage l'entreprise dans sa totalité. Ce processus se manifeste jusque dans l'équipement informatique. Centralisé dans un service spécialisé et inaccessible, il s'est ouvert à tous les ingénieurs, puis aux commerciaux, pour finalement se démocratiser. Alors le besoin d'interaction a mené à l'installation d'ordinateurs en réseaux et l'imbrication actuelle des réseaux entre eux conduit à l'instauration de noeuds d'information avec toute leur complexité. Le management des réseaux demande, en effet, d'articuler des champs de réalité très différents. La complexité impose un point de vue systémique : on s'est enfin rendu compte qu'il n'existait pas de rationalité linaire de type cause-effet, mais que les phénomènes d'interaction, de catalyse et de synergie sont partout. Il faut donc décoller et prendre de la hauteur pour bien juger des effets d'un point particulier ("la vue d'hélicoptère"). La notion de holisme ou de globalité, que promeut le Transpersonnel avec les images d'hologramme et de fractales, se trouve en plein dans l'actualité. L'interdépendance constante exige la reconnaissance de la responsabilité. La valeur d'une entreprise se juge maintenant à sa capacité à déléguer les pouvoirs. Mais réciproquement chacun se sent solidaire des autres. Une entreprise moderne a besoin de co-opérateurs et de partenaires. Et même, hors de l'entreprise, la notion de partenariat se diffuse en réseaux de partenaires (distributeurs, sous-traitants, presse, banques, assurances...). On aboutit ainsi à la vision de la conscience planétaire. La politique économique doit être à long terme : à quoi sert de ruiner complètement un concurrent, si l'on doit par la suite le renflouer après l'avoir racheté ? La question se pose pour les économies nationales, puisque lorsqu'un état est surendetté, on est obligé de pratiquer une annulation de la dette pour éviter une révolution. On découvre ainsi que le principe d'assistance vient tempérer celui de la libre concurrence. Et chaque entreprise est finalement concernée par ce changement de principe. Il convient en particulier de former le personnel en conséquence. LA FORMATION AU CHANGEMENT La formation continue en entreprise doit donc se fixer de nouvelles valeurs : la créativité, la spontanéité, la prise de risque calculée, l'intuition. La richesse d'une entreprise étant le potentiel créateur de son personnel, il faut former à la créativité. Or la psycho-sociologie a mis au point de nouvelle méthodes en découvrant que l'on invente mieux en groupe, que ces groupes doivent être mixtes (ingénieurs, psychologues, artistes) et que l'on peut s'observer en train d'inventer. Ainsi ce sont diffusés le brain-storming d'Alex Osborn, la Synectique de William Gordon, Problem-solving de Sidney Parnes, les tests de créativité de Torrance et de Guilford, les matrices de découverte d'Abraham Moles, l'analyse de la valeur de Miles... La créativité dans l'entreprise (Aznar/Synapse 1971) est un facteur de renouvellement global, car l'on ne peut pas utiliser ces méthodes dans le seul domaine de la recherche sans qu'elles imprègnent l'ensemble de l'entreprise. Les progrès de la science, les transformations des techniques et les mutations sociales nous font vivre dans un milieu changeant avec une accélération parfois vertigineuse. Les décideurs ne peuvent pas tout prévoir et doivent sans cesse improviser sur l'instant. La seule réponse possible à l'imprévu et à l'imprévisible est donc la spontanéité ; il faut savoir saisir l'occasion et retourner les inconvénients en avantages. La notion de spontanéité avait été étudiée et mise en avant par Moréno, elle s'éduque pour devenir un style de vie : le management du changement qui inclut son propre changement. Ceci exige une prise de risque et sa gestion par l'entreprise. Au point de vue économique ont été constitués des venture-capitals ou placements à risque qui se sont révélés très profitables car la prise de risque était calculée. Dans la formation continue, on a pensé, par une métaphore, préparer la prise de risque économique par un engagement physique. Il faut savoir dépasser ses peurs et faire appel aux forces profondes de son corps. D'où tous ces stages hors-limite, qui ont été vulgarisés dans le grand public, à la fois admiratif et scandalisé : l'escalade, les plongeons, le saut à l'élastique, les marches sur le feu... Dans toutes ces situations de extrême, se libèrent soudain des forces paroxystiques, qui permettent de réaliser ce qui auparavant paraissait impossible. Vivre sous la tente dans le désert, descendre des torrents en kayak, etc... exigent un engagement total, corps et esprit. L'esprit des arts martiaux (Bushido japonais), appliqué à l'entreprise, apprend non seulement à utiliser les faiblesses et les fautes de l'adversaire, mais, qui plus est, à retourner sa force contre lui. Tout ceci n'est pas l'oeuvre de la pensée raisonnante ni de l'intelligence logique, mais de l'intuition. On disait des grands décideurs, qui ont su prendre les bons choix au bon moment, qu'ils avaient de la chance ou du flair, puis on a beaucoup parlé de l'utilisation du coté droit du cerveau. La pensée intuitive joue un rôle essentiel dans l'aptitude anticipatrice et dans les processus décisionnels pour savoir ne pas perdre ses paris. Certaines études ont montré que les cadres performants et les grands managers avaient des résultats supérieurs à la moyenne dans les tests de perception extra-sensorielle (faculté psi). Les études sur la prise de décision dans le feu de l'action et le facteur chance sont à développer. Lorsque l'on doit imaginer des obstacles qui ne sont pas encore nés, on a besoin d'une faculté visionnaire qui sort du cadre rationnel. L'ENTREPRISE ET L'ETHIQUE La maxime "Les affaires sont les affaires" pouvait signifier que l'on ne faisait pas de sentiments en affaire, mais aussi que l'on se situait au-dessus des règles de la morale courante. Récemment, est venue la dénonciation de nombreux scandales : non-respect des règles de sécurité engendrant des accidents et des morts dans le personnel ou des catastrophes écologiques majeures, corruption de fonctionnaires ou d'hommes politiques pour obtenir des dérogations indues, délits d'initiés dans des opérations boursières, pots-de-vin et commissions occultes pour décrocher des marchés, utilisations de call-girls avec les gros acheteurs, droit de cuissage à l'embauche et harcèlement sexuel, licenciements abusifs, milices patronales, chantages pour éviter une plainte dans un non-respect de contrat, débaucher l'ingénieur d'une entreprise concurrente pour qu'il amène ses secrets de fabrication ou l'informaticien avec le listing des clients, espionnage industriel, écoutes téléphoniques illégales pour ruiner un concurrent... L'opinion publique n'accepte plus que certains dirigeants de grandes sociétés se considèrent comme au-dessus des lois. L'efficacité économique ne peut plus tout justifier. Et cela est nouveau car jusqu'à maintenant les entrepreneurs peu scrupuleux s'entendaient à tourner les lois à leur avantage, mais ils se heurtent maintenant à une opinion publique dont l'exigence va au-delà des lois. D'après une enquête Korn Ferry Int. auprès de 1.508 dirigeants d'entreprise dans le monde, la première qualité d'un dirigeant de grand groupe est le sens moral : l'éthique fonde désormais la crédibilité externe et interne d'une entreprise. On a trouvé en effet que les entreprise peu scrupuleuses sur le choix des moyens pour l'emporter favorisaient l'utilisation de la fraude à leur égard dans leur personnel : la corruption engendre la fraude. On commence à découvrir l'importance de la culture d'entreprise (corporate-culture ). Cela débute avec la prise en compte du concept d'identité d'entreprise : il faut savoir qui l'on est et où l'on va, avoir une vision globale de l'entreprise, du tout et des parties, pour pouvoir s'identifier à l'entreprise et parler en son nom. Ce qui exige un projet d'entreprise ou au moins une direction par objectifs. On découvre alors que la culture est au coeur du fonctionnement des organisations. C'est un liant symbolique qui donne le sentiment d'appartenance, le consensus sur un projet, l'esprit démocratique et convivial. Plus l'approche identitaire est forte plus les services peuvent développer des sous-cultures avec des identités différenciées. Ce noyau commun, qui est l'idéalisation d'une expérience collective de succès, sert de stabilisation et de défense contre l'anxiété. Mais cela devient une affaire de coeur, il faut aussi stimuler l'adhésion affective et pas le seul intérêt monétaire. Sortir de la compétition et de la concurrence interne pour entrer dans la coopération installe dans l'entreprise un climat de confiance et d'entraide. C'est là que les stages de extrême jouent aussi leur rôle : on a peiné et souffert ensemble, affronté des dangers, on se sent unis et soudés, les fortes émotions de la remise en jeu symbolique de sa vie se déversent après sur l'entreprise. L'entreprise de l'an 2.000 devra pouvoir faire ressentir à ceux qui ont mal réussi qu'ils n'ont pas démérité et qu'ils sont toujours solidaires de l'entreprise. Les entreprises ont-elles une âme ? (Etchegoyen, 1990). La question est maintenant posée. Il faut dépasser la culture d'entreprise, qui est un vécu passif, pour arriver au coeur et à l'âme qui sont les principes dynamiques de vie. L'âme donne accès à un idéal, qui ne soit pas le gain immédiat mais participe de l'incarnation des valeurs. Plus que dans la production d'objet utilitaires, qui peuvent nous encombrer, le but de l'entreprise se trouve dans la construction des valeurs. Le service, le désintéressement et la générosité sont déjà dans le projet de certaines entreprises. L'on entend de nouveaux patrons parler de respect de la parole donnée et de sens de l'honneur. Et de plus en plus d'entreprises s'ouvrent à l'insertion d'handicapés ou la récupération d'anciens détenus. L'on découvre que l'encouragement des comportements égoïstes engendre un vrai gâchis dans l'entreprise et dans la société. La loi du marché est-elle si différente de la loi de la jungle ? Pour lutter contre, certains travaillent pour la reconnaissance des valeurs spirituelles dans l'entreprise. LES VALEURS DE L'ENTREPRISE Il faut commencer par ne plus être obsédé par l'argent et le succès, se détacher du résultat de son travail. Alors on retrouve sa liberté intérieure et l'on peut entrevoir le sens de sa vie. Le voyage intérieur, c'est de partir à la recherche de son être profond. L'étude de la conscience humaine mène à la méditation, à l'état Alpha et l'exploration du surconscient. La certitude que la pensée est énergie conduit à remplacer la violence et la haine par la compréhension et l'amour. Alors devient possible l'ouverture sur une dimension spirituelle. L'autonomie et la liberté de l'individu s'engagent dans une aventure collective dès que l'on dépasse la notion de personne vers un transpersonnel. L'entreprise de l'an 2.000 pourra ainsi devenir une oeuvre d'art dans la poésie et la spiritualité en intégrant toutes les dimensions de l'homme. On peut aussi espérer que la féminisation des entreprises va leur faire abandonner progressivement les valeurs viriles de matchisme, de compétition et de guerre pour s'ouvrir aux nouvelles valeurs des femmes : la souplesse, le courage, les sentiments, l'amour de la vie et la paix. La femme est souple par nature, elle sait changer, esquiver et biaiser au lieu de se braquer et s'entêter dans une partie de bras-de-fer virile. Elle apporte une nouvelle forme de courage puisée dans l'amour, l'enfantement, la vie familiale et l'éducation des enfants. Elle accorde plus d'importance aux sentiments, à la considération, à la patience, à la vie émotionnelle et à l'intuition. Liée à la vie, elle l'aime et en connait le prix ; puisqu'elle donne la vie, elle est pacifique et n'est pas un tueur comme l'homme. Le problème actuel est de savoir si les hommes vont inculquer leurs valeurs aux premières femmes masculines qui pénètrent dans les entreprises ou s'ils pourront acquérir les leurs ? Pour montrer que tout ceci n'est pas utopique, on peut étudier les diverses réalisations qui commencent à s'inspirer des nouvelles valeurs. Le réseau Briarpatch Network a été fondé aux U.S.A. vers 1970, comme une préfiguration des entreprises de l'an 2.000. Il a remplacé les valeurs anciennes de la concurrence économique sauvage et de la guerre économique par l'harmonie, la coopération, la solidarité et la compassion. Il n'hésite pas à ouvrir des usines dans les ghettos ou les banlieues défavorisées. Il groupe plus de 200 entreprises comme Motorola et a des filiales au Japon, Brésil, en Suède. Leurs règles sont l'honnêteté, l'intégrité, la transparence des comptes et le soutien mutuel. Il dispose de sa banque et de son cabinet d'avocats qui règle tous leurs différents à l'amiable, sans procès. Le résultat est là : alors qu'aux U.S.A. 60% des nouvelles sociétés déposent leur bilan dans les 3 ans, la moyenne est de 10% dans ce réseau. Body-Shop est une entreprise anglaise fondée par Anita Roddick en 1976 où elle ouvre son premier magasin à Brighton. En 1992 elle en a plus de 750 dans 40 pays avec 10.000 employés. Son principe est : "Notre vraie nationalité est internationale". Elle fabrique des produits de bien-être et non plus des produits de beauté. Et elle le fait avec les recettes traditionnelles de tous les pays (beurre de coco des Polynésiennes, mile de Tanzanie, écorces d'orange de Ceylan, huile de bahassu d'Amazonie...) et non plus avec les prétendues découvertes de laboratoire. Elle est contre l'expérimentation animale (et parfois humaine) qui en est la conséquence. Elle recycle sans polluer dans le plus grand respect possible de l'environnement, avec des emballages simples et économiques. Elle économise les intermédiaires et paie le meilleur prix aux populations déshéritées. Elle installe ses usines là où il y a du chômage. Elle pense qu'il est immoral d'utiliser l'image d'une belle adolescente pour vendre une crème antiride à une femme de cinquante ans. Aussi remplace-t-elle les dépenses de publicité par des campagnes d'intérêt humain : "Si vous n'êtes pas satisfait du monde, changez-le", défense de la forêt amazonienne, aide à Amnesty International, à la sauvegarde animale, etc. Toute entreprise profitable a pour elle un devoir envers l'humanité : elle organise des soupes populaires en Albanie, des orphelinats en Roumanie, elle fait vendre son journal par des sans-abris qui gardent l'argent pour eux... C'est la rigueur de son éthique qui a assuré son succès, prouvant que rentabilité et principes moraux ne sont plus antinomiques. Les Humains associés se sont fondés en 1985 sur le bénévolat et, animés par la générosité et l'idéalisme, ne vendent rien. Ils reçoivent des principales agences de publicité des espaces et des affiches pour réveiller la conscience mondiale par des campagnes gratuites et spectaculaires : 1985 "Les cinq premières minutes du monde conscient", 1987 "L'homme est unique, ne le gâchons pas", 1988 "Et si l'on parlait d'amour ?", 1989 "Aux âmes, citoyens !"... Ces exemples font école, mais le principal danger est la récupération. Si la vertu fait mieux vendre et si l'éthique rapporte plus, pourquoi ne pas endosser l'habit ? Et c'est ce qui peut déjà inquiéter chez certains patrons qui ne parlent que de vertu, mais n'ont aucun scrupule à fermer une filiale ou à ruiner un concurrent. L'éthique renforce peut-être l'efficacité, mais une éthique, qui aurait comme seul fondement l'intérêt, ne serait plus une éthique.

Article provenant de ce site internet : http://www.europsy.org/marc-alain/mutrav.html

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